Comment accompagner nos enfants dans l’apprentissage des gestes fins ?
Les activités manuelles comme moyen de partager de bons moments avec son enfant et maîtriser l’utilisation de ses 10 doigts
Ce mois-ci, dans Lili&Tod, nous avons choisi de consacrer notre article sur la motricité fine, c’est-à-dire la capacité de maîtriser nos gestes manuels.
Avez-vous récemment fait des activités manuelles avec vos enfants ? Ou tout simplement partagé des tâches quotidiennes avec eux, comme mettre le couvert, étendre le linge, faire à manger, etc. ? … Avez-vous remarqué à quel point un geste qui nous paraît simple peut être si complexe et demander un gros effort de concentration, surtout si notre enfant a moins de 6 ans ? Un magnifique arsenal psyschomoteur, neuro-moteur et cognitif se met en place pour votre enfant dans ces moments-là. On n’en a pas toujours conscience et cela peut nous échapper… surtout si tout à coup on se concentre plus sur la tâche de peinture sur la moquette ou que l’on renverse le peu de farine qui restait… Et pourtant, les activités manuelles sont des parenthèses créatives enchantées dont je voudrais, aujourd’hui, vous partager l’importance.
Psychomotricienne, sophrologue et maman de 2 enfants, je pratique l’IEF (Instruction en famille) depuis plus d’un an et je parsème régulièrement nos temps d’apprentissage formel par des activités manuelles, si capitales pour la motricité et la créativité. En effet, après avoir utilisé les activités manuelles comme un outil de rééducation dans mon travail de psychomotricienne, je les vois aujourd’hui comme une ressource précieuse et simple faisant partie intégrante du processus d’apprentissage, aussi bien pour l’enfant que toute la famille. Ces moments à travers lesquels nous créons, mais aussi les tâches quotidiennes, le bricolage ou la cuisine, demandent de l’organisation dans nos gestes, une maîtrise dans l’utilisation de nos doigts, de nos mains, de notre posture, un ajustement de notre tonus… bref une multitude de choses qui font intervenir de manière interconnectée notre cerveau, nos muscles et nos émotions. Mettre la table, faire des sablés, ouvrir un pot, dessiner, créer un animal en pâte à sel… Ces activités, très variées, qui font partie du quotidien ou que nous pouvons encourager, préparent notre enfant, à son rythme, à une meilleure maîtrise de ses gestes. C’est un pilier dans la construction naturelle et harmonieuse de nos enfants et un préalable inestimable à la capacité à s’exprimer, donner, devenir autonome, prendre soin de lui et de ce qui l’entoure (aussi bien dans son petit monde, sa famille, son cercle d’amis, qu’à une plus grande échelle, la planète sur laquelle il vit ! ).
Voici pour moi 3 raisons essentielles pour intégrer les activités manuelles dans les moments partagés avec vos enfants :
1. L’enfant absorbe tout ce que nous faisons !
Maria Montessori a fait cette découverte fondamentale « d’esprit absorbant » chez l’enfant, un concept qui peut facilement être expliqué par l’image de l’éponge. Notre enfant, surtout de 0 à 6 ans, « absorbe » le monde qui l’entoure (les langues, les habitudes, les us et coutumes…) de la même manière qu’une éponge absorbe l’eau. En s’en imprégnant, elle se transforme fondamentalement. De la même manière, un enfant qui nous observe en train d’utiliser nos mains, qui nous voit prendre le temps de préciser nos gestes, de manière appliquée, absorbe naturellement cette compétence. Nous pouvons dès lors faire des pauses pour prendre conscience de nos mouvements, ralentir nos gestes, les vivre pleinement car ils sont en train d’être « transmis » et « absorbés » par notre enfant ! Profitons-en, c’est un apprentissage naturel et inconscient, tellement riche et structurant !
2- L’enfant nous imite, nous sommes son exemple
Pour illustrer ce propos, j’aimerais vous partager notre expérience. Nous avons longtemps participé à un groupe parents/enfants inspiré de la méthode Steiner/Waldorf avec mon aîné. Dans ce moment partagé parents-enfants hebdomadaire, un temps était dédié à une activité manuelle pour les parents, adaptable à l’enfant. Le plus important n’était pas que l’enfant participe directement mais qu’il voit ses parents créer quelque chose avec leurs mains. L’enfant restait totalement libre de participer ou non, de co-créer ou non. C’était assez fabuleux de voir les enfants faire des allers-retours en fonction de leurs aspirations. Certains restaient tout au long de l’activité pour manipuler, d’autres préféraient regarder de loin, d’autres encore allaient et venaient entre jeu-libre et co-création. Dans son livre « Free to learn, introducing Steiner Waldorf Early Childhood Education » Lynne Oldfield explique qu’avant 5 ans, il est préférable que l’enfant apprenne par l’imitation et l’exemple plutôt que par des directives et des explications. Pourquoi ? Car l’enfant bénéficie alors d’une approche non-intellectuelle qui respecte son besoin fondamental d’appréhender le monde par ses sens et non pas son raisonnement. Quand nous partageons un temps d’activité manuelle avec notre enfant, il cherche à « imiter » nos mouvements et c’est en cela que créer à côté ou avec notre enfant est un moyen pour lui de développer l’aisance dans ses gestes fins. Cette imitation selon Steiner va bien au-delà d’une simple « imitation physique ». L’enfant imite notre façon d’être à travers cette activité. Nous devenons dès lors un exemple « physiquement palpable » mais aussi « émotionnellement absorbable ». L’enfant nous imite dans notre réalité psycho-corporelle. Ainsi une activité manuelle peut devenir un moyen de transmettre de manière très naturelle une qualité d’être, paisible, joyeuse et créative, très bénéfique pour le développement de la motricité fine de notre enfant.
3- L’enfant est libre de développer sa motricité sous le regard de ses parents
Quand l’enfant est en pleine exploration, concentration, ce que Maria Montessori appelle la « normalisation » de l’enfant, il est tellement relié à lui-même, à son être, à son essence, que peu importe les défis qu’il a à relever, il sait ce qu’il a à faire et s’entraîne, explore, apprend !
Nous pouvons voir le développement moteur de nos enfants comme de multiples naissances où en tant que parent nous sommes là pour porter leur espace spécifique. En partant du principe que l’enfant sait intrinsèquement bien mieux que nous ce qu’il a à faire, le fait de partager un moment simple, ludique mais plein de sens nous permet plus facilement d’avoir cette observation « bienveillante » et non « envahissante » pour notre enfant. De porter son espace dans un moment partagé tout en lui laissant la liberté de trouver par lui-même le chemin de sa motricité notamment au niveau manuel.
Je vous invite donc à partager des temps en pleine présence avec vos enfants autour d’activités manuelles ! Osez osciller entre vos propres moments créatifs (où vous vivez pleinement la joie et la précision de manipuler) et le simple fait d’être là comme un observateur discret mais pleinement présent. Grâce à ce jeu naturel et conscient dans votre quotidien, vous serez le témoin émerveillé de la naissance de la motricité fine de votre enfant !
Je vous souhaite plein de beaux moments de (re)découvertes à travers les activités manuelles, que j’aurais le plaisir de vous partager régulièrement. Prochain rendez-vous le 11 novembre pour le P’tit atelier du mercredi 🙂
Elsa, 6 novembre 2020, à Aberdeen